Le premier séquençage complet d’ADN humain a eu lieu en 2003. La science a ouvert la voie à une médecine prédictive sur mesure qui peut décoder l’ADN d’un individu. Récemment les techniques de séquençage à haut débit du génome ont été largement simplifiées, ce qui a réduit leur coût. De plus, des techniques de « ciseaux moléculaires » permettent désormais de manipuler notre génome.
Définitions
Chaque individu est composé de milliards de cellules qui renferment chacune notre information génétique. Cette information est portée par l’ADN (acide désoxyribonucléique). L’ADN détient toutes les informations nécessaires au développement de la cellule et son rôle au sein de l’organisme.
L’ADN est constitué de quatre molécules différentes, dites bases: l’adénine, la thymine, la guanine et la cytosine (A, T, G, C) qui s’assemblent entre elles selon une suite particulière pour former un gène. Chaque gène correspond à une instruction à suivre par la cellule. Les gènes sont localisés sur les chromosomes, dont le nombre varie selon les espèces. Le génome humain compte 23 paires de chromosomes, chaque paire étant composée d’un chromosome issu du père et l’autre de la mère.
Un examen génétique porte sur l’ADN d’un individu et permet de révéler, par exemple, si celui-ci est porteur d’une ou plusieurs mutations sur un ou plusieurs gènes, ce qui peut conduire à l’apparition d’une maladie. Des examens génétiques peuvent être conduits dans plusieurs cas, tous encadrés par la loi en France.
Etat des lieux
Cadre juridique
La loi n’autorise les examens sur le génome d’une personne qu’à des fins médicales et de recherche scientifique (dans ce cas, le consentement éclairé est recueilli) – elle autorise par ailleurs l’identification par empreintes génétiques à des fins judiciaires (1).
Les examens réalisés dans un cadre médical ont pour objet :
- de poser, confirmer ou infirmer le diagnostic d’une maladie à caractère génétique ;
- de rechercher les caractéristiques d’un ou plusieurs gènes susceptibles d’être à l’origine du développement d’une maladie chez une personne ou les membres de sa famille ;
- d’adapter la prise en charge médicale d’un patient selon ses caractéristiques génétiques.
Les examens de génétique permettent ainsi de mettre en place des mesures médicales ou de prévention, de faire un choix éclairé dans le cadre d’un projet parental (par exemple en cas de risque de transmission d’une maladie grave à la descendance) ou encore d’organiser sa vie en fonction du risque potentiel d'une maladie, notamment si elle peut être lourdement invalidante.
Il est essentiel de comprendre que personne ne peut être réduit à son identité biologique et génétique. “Nul ne peut faire l’objet de discriminations en raison de ses caractéristiques génétiques” (2) explique la loi. Un article du code pénal (3) prohibe ainsi toute distinction fondée sur les caractéristiques génétiques et un autre article interdit (4) toute discrimination à l’embauche en raison de caractéristiques génétiques. Idem pour les assureurs, qui ne peuvent réclamer de tests génétiques aux souscripteurs d’assurance (5). Des sanctions sont prévues pour toute personne qui ferait un usage non médical des informations génétiques ou qui se livrerait à des pratiques discriminatoires basées sur les caractéristiques génétiques d’une personne.
Un examen qui peut concerner toute une famille
Les résultats des examens de génétique peuvent présenter un intérêt non seulement pour la personne qui en a bénéficié, mais aussi pour les membres de sa famille. De ce constat est né un dispositif pour assurer la transmission de l’information aux membres de la famille (parentèle) potentiellement concernés (6).
En cas de maladie génétique grave, pour laquelle des mesures de prévention, de soins ou un conseil génétique peuvent être donnés, c’est au patient d’informer directement les membres de sa famille potentiellement concernés. S’il ne peut ou ne souhaite pas le faire lui-même, il peut demander au médecin de s’en charger. Il n’y a toutefois pas de levée du secret médical contre son gré. S’il refuse d’informer sa famille directement ou par le médecin, sa responsabilité civile pourra être engagée.
Le diagnostic prénatal et préimplantatoire
Il est aujourd’hui possible d’identifier au cours de la grossesse des malformations, des troubles du développement foetal ou d’éventuelles anomalies génétiques (diagnostic prénatal - DPN) ou de faire un diagnostic génétique sur l’embryon obtenu par fécondation in vitro avant son transfert dans l’utérus de la mère (diagnostic préimplantatoire - DPI).
DPN et DPI sont encadrés par les lois de bioéthique : ils ont pour but de détecter une affection d’une particulière gravité. Chaque situation est analysée au cas par cas par des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN) réunissant une équipe de plusieurs spécialistes. De son côté, le DPI ne peut être pratiqué que lorsqu’a été préalablement et précisément identifiée chez l’un des parents, ou l’un de ses ascendants immédiats l’anomalie ou les anomalies associées à une maladie gravement invalidante, à révélation tardive et mettant prématurément en jeu le pronostic vital.
En 2015, les CPDPN ont examiné 31.814 dossiers de femmes enceintes et délivré 7084 attestations de particulière gravité en vue d’une interruption médicale de grossesse: 44,5 % (3151) pour malformation ou syndrome malformatif, 39,8% (2821) pour anomalie chromosomique (dont 1499 pour une trisomie 21), et 7% (497) pour anomalie génique.
En Europe, la législation varie d’un pays à l’autre. Si le DPI est aujourd’hui interdit en Allemagne, en Autriche, en Italie et en Suisse, il est admis en Belgique, au Danemark, en Espagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Afin de ne pas stigmatiser les malades et compte tenu de la variabilité d’expression de certaines de ces maladies, aucun pays n’a établi la liste des anomalies pouvant être détectées avec le DPI.
Un examen encore difficile à interpréter
L’identification d’une mutation ne permet pas de prédire la survenue d'une maladie ni sa sévérité. La multiplicité des informations rend complexe l’interprétation que l’on peut en faire en termes de signification de risque, certitude ou incertitude, sévérité attendue, conséquences sur la prise en charge médicale actuelle ou future, à la fois pour l’information du patient, et pour celle à transmettre aux apparentés.
Exemples de questions à débattre
Les techniques de séquençage de nouvelle génération élargissent notre regard sur des centaines de gènes, voire sur l’ensemble du génome, et produisent une masse de données inédite à ce jour. Dès lors plusieurs interrogations surgissent :
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Les questions de la gestion, du stockage et du croisement de ces données se posent: où stocker les données en toute sécurité ? Sous quelle responsabilité (organismes publics ou sociétés privées) ? Quand et par qui seraient-elles consultables ?
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Les nouvelles méthodes d’investigation peuvent mettre en évidence d’autres anomalies que celles initialement recherchées (on parle alors de “découvertes incidentes”). Ces informations peuvent contribuer, pour certaines d’entre elles, à une prise en charge médicale préventive adaptée. Faut-il, dans ces cas là, transmettre la totalité des résultats obtenus ? Une situation délicate, d’autant que la loi oblige l’intéressé à informer sa famille en cas d’anomalie génétique grave dont les conséquences sont susceptibles d’entrainer des mesures de prévention ou de soin.
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Que penser du dépistage génétique pré-conceptionel ? Le dépistage génétique pré-conceptionel a pour but d’informer les individus et les couples du risque de maladie génétique pour leurs futurs enfants. Cette démarche était jusqu’alors réservée à des maladies génétiques pour des populations à risque. Une éventuelle extension à la population générale poserait des questions comme : Quel type de maladie dépister ? Les maladies sévères, incurables, d’apparition précoce ? Mais aussi les maladies curables pour permettre alors un traitement immédiat après la naissance ou même durant la grossesse ? Comment éviter toute dérive eugéniste (sélection sur la base de critères contestables) ? Comment informer et accompagner les couples ?
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Dans le DPN, comment gérer ces informations génétiques pour lesquelles le pronostic est difficile à établir ?
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Enfin, les tests génétiques en accès libre sur internet défient le cadre juridique national. Un test génétique ne peut en effet être réalisé en France que dans un cadre médical. Or, ces tests en accès libre, sans intermédiaire médical, ne permettent pas d’assurer l’accompagnement des personnes qui s’y prêtent (consentement informé, suivi médical individualisé, secret médical...). Les examens de génétique, proposés par des entreprises privées « de génétique personnelle » opérant hors du territoire national, sont dès lors transformés en bien de consommation comme un autre. Quelle signification donner à cette connaissance du « moi génétique » par les individus, sans intermédiaire médical, et comment accompagner les patients dont un diagnostic a été posé dans ces conditions?
Notes
(1) Articles 16-10 et 16-11 du code civil
(2) Article 16-13 du code civil
(3) Article 225-1 du code pénal
(4) Article L1132-1 du code du travail
(5) Article L.1141-1 du code de la santé publique
(6) Loi de bioéthique du 6 août 2004 complétée par la loi de bioéthique du 7 juillet 2011
Pour aller plus loin
Quelques exemples de documents à consulter
Cette documentation sera complétée et mise à jour tout au long des Etats généraux de la bioéthique